Sète, son port de pêche, son mont Saint-Clair, son chanteur-poète à moustache, sa tielle. Plus que jamais le port a la pêche, le Saint-Clair ne cille pas, le moustachu est aux portes du Panthéon. Mais la tielle… Hein ? Qui s’en soucie ?
Une intervention de l’Unesco serait peut-être excessive, mais une Indication Géographique Protégée (IGP) serait une bonne alternative pour préserver l’histoire, le goût et l’avenir de cette spécialité emblématique du terroir sétois. Il y a bien un groupe de fabricants locaux qui, depuis quelques années, tente d’établir un cahier des charges et un territoire pour une IGP tielle de Sète, mais tout cela semble, jusqu’ici, bien velléitaire. A l’heure ou la grande industrie agroalimentaire, marketing en avant, fond sur tous les terroirs comme la mouette sur le pont du palangrier, il serait peut-être temps de donner un souffle nouveau à la protection de cette petite tourte au ragout de poulpe, à la tomate et aux épices.
Car, une bonne tielle, c’est drôlement bon !
Ce ne sont pas les pêcheurs du quartier haut de la ville, pour la plupart italiens de la région de Gaete, qui vont dire le contraire. De la fin du XIXe siècle au milieu du XXe, ils en ont fait leur frichti quotidien. Jusqu’à ce que Adrienne Pagès, originaire d’Agde, et son mari italien Bruno Virducci, ne commencent à en vendre sur leur étal de coquillages et à convertir les autres Sétois à la tarte au poulpe (le pouffre, comme on dit par ici). Le reste est affaire d’héritage et de dynastie : les gendres, fils et autres descendants d’Adrienne Virducci ont développé et multiplié la production, faisant aussi des émules dans d’autres familles de la ville.
Aujourd’hui, la tielle s’est inscrite dans la table de Sète et rayonne plus loin que le phare du Saint-Clair. La recette est toujours la même : la tourte est réalisée à partir d’une pâte à pain colorée au concentré de tomate et dans laquelle une partie de l’eau est remplacée par du vin blanc. La tourte est garnie d’un ragoût de poulpe coupé en petits morceaux, cuit à la sauce tomate et au vin blanc et relevée d’épices en plus ou moins grande quantité selon les goûts. La qualité de la tielle tient beaucoup au coup de main du cuisinier et à la fraîcheur de la fabrication, de manière à ce que la pâte n’absorbe pas la sauce et préserve la fluidité de la garniture.
On trouve facilement des tielles à Sète, où plusieurs maisons réputées ont des magasins à la halle ou en ville (Cianni, Dasse, Lorenzo, Marinello, Cianni-Marcos, l’Ile singulière…). Certains restaurants en proposent à leur carte. Elles ne sont pas toutes faites maison. Les tielles que prépare l’ancien pêcheur Olivier Nocca, reconverti aux fourneaux de sa guinguette Là-haut (au sommet du Saint-Clair) sont probablement les meilleures de la ville.