Même si le poisson d’argent aux reflets verts se fait plus rare sur la côte Vermeille, Collioure conserve la science de sa transformation en filets salés et produit une spécialité forte en effet de surprise.
L’histoire témoigne que la région de Collioure (Pyrénées Orientales), avant d’être cette station balnéaire aux airs d’un Saint-Tropez familial, a été le terroir reconnu dans tout le bassin méditerranéen de l’anchois. C’était au moyen-âge. Au temps de la gloire et de l’abondance de l’activité (fin du XIXe siècle), on a compté pas loin de 150 barques catalanes qui pêchaient l’anchois au lamparo, dans les eaux de Port Vendres, les nuits de juin à juillet.
Aujourd’hui, la constellation marine s’est éteinte. Les anchois viennent désormais du golfe de Gascogne, de Bretagne, voire d’Amérique du Sud. Mais il reste, à Collioure, quelques transformateurs qui ont précieusement gardé le savoir-faire originel du salage, de la maturation et de la conservation. Tant et si bien qu’ils ont obtenu en 2004 l’Indication géographique protégée (IGP) pour leur anchois de Collioure (l’un des très rares signes officiels de qualité attribués à des poissons, coquillages et crustacés).
L’espèce utilisée est engraulis encrasicolus et l’anchois de Collioure IGP se présente sous trois formes : anchois au sel, filets d’anchois en saumure, filets d’anchois à l’huile. La production représente environ 400 tonnes par an. Le savoir-faire ancestral des saleurs colliourencqs réside dans le processus de maturation, qui produit un filet de couleur brun foncé, de texture moelleuse et ayant une odeur de jambon de montagne. Toutes les opérations sont réalisées à la main, en général par des femmes, les anchoïeuses. Cela donne un anchois moelleux et particulièrement parfumé. Le genre de truc qui tente de vous arracher la gueule mais qui, dans la fraction de seconde suivante, ô miracle ! vous laisse muet de volupté, tant les saveurs sont multiples et subtiles. D’une infinie douceur, pour tout dire.
Parmi les prestidigitateurs de l’anchois de Collioure, on peut citer la maison Roque, omniprésente dans le village et qui, à elle seule, fabrique un quart de la production locale. La famille Roque, c’est une longue histoire de 5 générations. Le premier, en 1870, a été Alphonse Roque établi à Collioure comme tonnelier-saleur. C’est ensuite son fils Léon qui, en 1922 a fondé la conserverie qui se perpétue aujourd’hui (et que l’on peut visiter, quand le Covid le permet). Depuis, les Roque se succèdent à la tête de la maison, modernisant chaque fois l’entreprise et ses gammes de produits. Au-delà de l’IGP (anchois à l’huile, anchois au sel, filets d’anchois en saumure), la conserverie Roque a développé plusieurs fabrications autour des filets du petit poisson aux reflets d’argent : filets d’anchois marinés, boquerones (filets d’anchois blanchis au vinaigre), crème d’anchois et anchoïade, olives et poivrons farcis aux anchois ou aux amandes…
Autre maison colliourencque de très bonne réputation : Desclaux, une conserverie créée en 1902. François Desclaux, arrière-arrière-petit-fils du fondateur, y perpétue la tradition avec un zèle confinant à la piété. Comme son concurrent, Desclaux propose aussi toute une gamme de produits autour de l’anchois et de la mer.