La récolte du meilleur des raisins de table a commencé en Tarn-et-Garonne.
Pourquoi s’encombrer de vaines pudeurs ? Disons-le simplement : le chasselas de Moissac (Tarn-et-Garonne) est le meilleur raisin de table du monde. De nombreux arguments plaident pour cette affirmation : les grappes souples et nettes, presque parcimonieuses, les grains ronds et dorés qui invitent au coup de dent, la peau fine et souple, les pépins discrets, le jus abondant et sucré, les saveurs de miel, de tilleul, de noisette, dont la rondeur contrebalance la fraîcheur d’une juste acidité. Attention ! Danger d’addiction.
Loin de la suisse de ses origines probables, le cépage chasselas a donc trouvé une terre d’épanouissement dans ce Bas Quercy, fait de sol argilo-calcaire et de climat tempéré, avec une belle arrière-saison. Mais le chasselas ne serait qu’un bon raisin de table si les chasselatiers (et tières) de Moissac n’en faisaient pas le meilleur. Deux cent vingt producteurs qui mouillent leur chemise de janvier à décembre. Ce raisin d’exception nécessite en effet quelque 1200 heures de travail (à 90% manuel) par hectare. Les chasselatiers (et tières) taillent la vigne, couchent les sarments, épamprent (pour éliminer les rameaux infertiles), ébourgeonnent, palissent (les sarments sont entrelacés entre les fils de fer du palissage), rognent (pour éliminer l’extrémité des rameaux en croissance et laisser ainsi passer le soleil sur les grappes), éclaircissent (pour ne conserver que les meilleures grappes), effeuillent, cueillent à la main, cisèlent (pour retirer sur chaque grappe les grains abîmés) et rangent le raisin en cagettes (généralement sur une seule couche) avec d’infinies précautions. La présence de ce léger voile blanc sur la peau des grains (la pruine) est la preuve du soin apporté aux grappes par les chasselatiers (et tières).
C’est pour cela que le chasselas de Moissac est un raisin d’exception. C’est aussi ce qui lui vaut d’avoir obtenu une Appellation d’origine dès 1956, confirmée en 1971 par la reconnaissance d’une Appelation d’origine contrôlée (AOC) puis d’une Appellation d’origine protégée (AOP) en 1996. Le chasselas fut ainsi le premier fruit frais à obtenir une AOC.
Au-delà de ses qualités gustatives, le chasselas est un vrai miracle de la nature pour la santé. Moissac fut d’ailleurs, dans les années 30, une cité uvale où l’on venait faire des cures de raisin comme on fait des cures thermales. Cette pratique, abandonnée depuis des décennies, pourrait bientôt revenir au goût du jour, tant les vertus du raisin se réaffirment.
La cueillette a commencé début septembre, avec quelques jours de retard. Bon an mal an, il se produit environ 3 500 tonnes de chasselas de Moissac AOP et 3 000 tonnes de chasselas hors appellation. Mais 2021 n’a pas été une année clémente pour les chasselatiers (et tières), avec les gelées du printemps et les pluies du début de l’été. Claude Gauthier, président du syndicat de défense du chasselas de Moissac, estime la perte de production à 30% sur l’appellation. Il y a donc intérêt à se précipiter chez son primeur pour en profiter.