La guerre des palets (des palais) n’aura pas lieu. Jamais les deux petits fromages AOP de chèvre que compte l’Occitanie ne seront en concurrence. Malgré leur ressemblance de cabécou, ils sont tellement différents. L’un est nourri de l’herbe rare mais fleurie du causse du Quercy, l’autre se parfume aux arômes de la garrigue des Cévennes méridionales. L’un est doux et crémeux, l’autre, affiné plus longtemps, affirme plus volontiers, pour peu qu’on le lui demande, son caractère de fromage de chèvre. Le premier est un peu plus petit que le second.
Le Pélardon n’a pas toujours été une vedette des plateaux (de fromages). Longtemps, sa production et sa consommation sont restées familiales. Ce n’est qu’à partir des années soixante qu’il s’est révélé au grand public, grâce à des fabricants mieux structurés et au folklore pseudo-hippie dont les néo-ruraux l’ont paré dans leur quête de nature.
Depuis, le petit chèvre des cévennes n’a cessé de grandir. Il a trouvé de fiers promoteurs et de farouches défenseurs qui ont d’abord créé la marque Pélardon Languedoc-Roussillon, puis ont constitué en 1993 l’Association de défense du Pélardon. Il faudra un peu moins de dix ans à l’association pour reconstituer l’histoire, scruter les méthodes de fabrication et d’affinage, cerner le territoire des origines, établir un cahier des charges clair et rigoureux et, ainsi, démontrer aux yeux de l’Institut National des Appellations d’Origine que le Pélardon mérite d’être une AOC. La reconnaissance officielle est obtenue en 2000 avec l’Appellation d’origine contrôlée, puis confirmée en 2001 avec l’obtention de l’appellation européenne AOP.
N’est pas Pélardon le chèvre qui veut. Le Pélardon est au lait cru de chèvres élevées en plein air sur un territoire allant du Sud Lozère à l’Est de l’Aude, en passant par le Gard (le berceau) et l’Hérault. Un peu le Tarn. Elles y disposent de bois (dont beaucoup de châtaigneraies), de lande et de garrigue qui donnent à leur lait toutes les qualités qui font les bons fromages. Le Pélardon a des mensurations très précises : 6 à 7 cm de diamètre, 2,2 à 2,7 cm d’épaisseur et doit peser 60 grammes. Soixante grammes de bonheur, donc ! Il est affiné 11 jours au minimum, pour un stade crémeux et velouté (c’est là qu’il ressemble le plus à son grand-petit frère Rocamadour). Un affinage plus long va lui permettre d’affirmer son caractère propre et de révéler la véritable palette de ses arômes.
Aujourd’hui, l’appellation Pélardon AOP compte une soixantaine de producteurs (fermiers, fromageries et une coopérative) qui fabriquent bon an mal an un peu moins de 4 millions de fromages, que l’on déguste idéalement entre mars et novembre.