Les terroirs d’Occitanie n’en finissent pas d’être étonnants ! Du thé à l’ombre du Canigou et des kiwis au pied de l’Aubrac. Les agriculteurs de la région ne reculent devant aucune innovation. Benoit Fabre, à Espalion, a fait le grand saut en 2020. Un double saut dans l’inconnu : il est passé de l’industrie mécanique à l’agriculture et de l’élevage bovin à la culture du kiwi, dans cette vallée du Lot qui cerne l’Aubrac et le Massif central.
Benoit Fabre, 37 printemps aujourd’hui, ancien chef d’atelier dans des entreprises régionales d’aéronautique et de mécanique, s’est installé hors cadre familial, en octobre 2020, à la ferme de Beaurivage, sur la commune d’Espalion, au bord de la rivière Lot. Il n’avait absolument pas envisagé de changer de vie professionnelle quand une de ses connaissances, Danièle Schmitt, agricultrice, lui a fait savoir, un peu comme une bouteille à la mer, qu’elle s’apprêtait à céder son exploitation bovine. Il a réfléchi un peu. Pas très longtemps. Puis il s’est dit : pourquoi pas ? Par goût de l’expérience et du défi personnel. « J’ai fait une formation d’agriculteur par correspondance, en dehors de mes heures de travail, raconte-t-il. Et ce n’est qu’au tout dernier moment, après avoir obtenu mon diplôme, que j’ai donné ma démission à mon employeur. »
Benoit Fabre s’est donc installé à la ferme de Beaurivage, qui élevait des bovins viande de race limousine et disposait déjà d’une surface agricole utile de 30 hectares (une dizaine dans la vallée et le reste en estives d’altitude). Il compte quatorze couples mère-veau. Les bêtes sont commercialisées par la coopérative Célia.
Mais, les vaches, ce n’est pas tellement son truc. C’est pourquoi le néo-agriculteur a préféré orienter son exploitation vers l’élevage de volailles (deux tiers de son activité). Quatre bâtiments et un parcours extérieur abritent en permanence quelque 600 poulets fermiers de chair et quelques pintades. Il a aussi quelques pondeuses. Les volailles sont commercialisées en circuit court à la ferme, une partie est vendue sous forme de découpes au magasin Bio d’Olt d’Espalion et une autre va à une cantine scolaire locale. Poulets et pintades sont abattus à 90 jours, sur place, dans l’atelier spécialement aménagé à la ferme. « J’ai fait ce choix par souci du bien-être animal, pour éviter aux poulets le stress des manipulations, des transports et d’un abattage industriel », explique Benoît Fabre. Et il poursuit : « En fait, tous les choix que j’ai fait pour mon exploitation agricole, ce sont aussi des choix de consommateurs : l’agriculture biologique, les bovins en élevage extensif, les volailles fermières et les kiwis… » Car oui, Benoît Fabre cultive des kiwis jaunes à un jet de pierre du glacial plateau de l’Aubrac. « Je voulais un verger, dit-il. Mais les trucs qui poussent par ici, les pommiers, les poiriers, c’est trop de produits phytosanitaires. » Le kiwi n’a pas de ces besoins.
Le nouvel agriculteur a donc planté 500 pieds de kiwi jaune sur une surface d’un hectare, au printemps 2021. Le verger est entièrement palissé, protégé, irrigué et équipé d’un système automatisé de protection contre le gel par pulvérisation d’eau sur les bourgeons. Le système a d’ailleurs montré son efficacité lors des gelées d’avril dernier. Le désherbage est assuré par une poignée de moutons. Faute de référent local, Benoit Fabre a dû tout inventer. Il a dû également aller chercher loin ses fournisseurs. Il y a investi beaucoup de temps et d’argent (toute sa prime jeune agriculteur, plus un prêt accordé par le Crédit Agricole). C’est auprès de la coopérative landaise SCAAP qu’il a trouvé les plants, le conseil technique et le débouché commercial pour ses futurs kiwis. « Mais comme je me trouve hors de son territoire d’intervention, je n’ai pas pu bénéficier de la totalité des aides accordées généralement par la coopérative », précise l’arboriculteur.
Le verger ne donnera son plein rendement qu’au terme de huit ans de maturité : une trentaine de tonnes de fruits, dont 80% partiront à la SCAAP et le reste en vente directe. Benoit Fabre a récolté ses premiers fruits en 2023. Une centaine de kilos. « Ils sont très bons », assure-t-il.
Trois ans après son installation, le néo-agriculteur ne regrette rien de son choix, même s’il est encore un peu tôt pour faire un vrai bilan, d’autant que les différentes mises en place ont demandé des mois de travail improductif. Ni mauvaise surprise, ni difficulté technique : tout se déroule selon ses plans. « Mon ancien métier dans l’industrie m’a apporté de la rigueur et de la méthode qui m’ont bien aidé dans ma reconversion », suppose-t-il.